Le décryptage bimensuel de l'actualité juridique et statutaire
NUMERO 65 - Juin 2025
Faits : Une agente contractuelle du ministère des Armées avait enchaîné plusieurs CDD depuis 2017. Après six ans de contrats, elle pensait pouvoir bénéficier d’un CDI, comme le prévoit la règle générale dans la fonction publique. Mais l’administration a refusé, en expliquant que certains de ses contrats servaient simplement à combler une absence temporaire, ce qui les exclut du calcul des six années requises.
Moyens : L’agente a contesté ce refus et a donc demandé que la question soit examinée par le Conseil constitutionnel en question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elle soutient que l’exclusion de ces contrats méconnaît l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, relatif à l’égalité devant la loi. Le Conseil d’État a estimé que cette QPC soulevait une question sérieuse et l’a transmise au Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel dispose désormais de trois mois pour rendre sa décision et dire si cette exclusion partielle est conforme au principe d’égalité.
Source : Conseil d’État, 28 mai 2025, renvoi de QPC
Faits : Un agent public a été radié des cadres pour abandon de poste, après avoir cessé de se présenter à son travail sans justification. Il a tenté de contester la décision, en arguant que le courrier de mise en demeure de reprendre ses fonctions était entaché d’irrégularités, notamment parce qu’il n’aurait pas été signé par la bonne personne ou ne précisait pas le délai laissé pour réagir.
Moyens : La Cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa demande. Elle a souligné que l’agent n’avait pas retiré le courrier recommandé contenant la mise en demeure. Dans ces conditions, les éventuelles erreurs que contenait ce courrier ne peuvent être invoquées, car l’agent ne les a pas subies.
Ce qu’il faut retenir : Lorsqu’un agent ne récupère pas le courrier de mise en demeure qui lui est adressé, il ne peut pas ensuite s’en servir pour contester la décision de radiation. Le fait d’ignorer un courrier ne permet pas d’échapper aux conséquences d’un abandon de poste.
Lien : Cour administrative d'appel de Paris 24PA03848 du 30/04/2025
Faits : Un agent placé en arrêt de travail a été surpris dans les locaux de sa collectivité en dehors des heures d’ouverture du service. Sa présence n’était ni autorisée par l’administration, ni justifiée par un motif valable.
Ce qu’il faut retenir : Le tribunal administratif de Rennes a estimé que ce comportement constituait une faute disciplinaire. Même si l’agent ne travaillait pas à ce moment-là, le simple fait d’accéder aux locaux sans autorisation, de surcroît pendant un arrêt de travail, peut être considéré comme une atteinte aux règles de discipline, et entraîner une sanction.
Lien : Tribunal administattif de Rennes 2202190 du 05/05/2025
Faits : Un agent, réaffecté à un autre poste pour raisons de santé, s’est présenté à son ancien lieu de travail, refusant d’en partir. Malgré les instructions claires de sa hiérarchie, il a persisté, jusqu’à ce que le maire, deux adjoints, puis les gendarmes interviennent pour le faire quitter les lieux.
Moyens : Le tribunal administratif de Melun a jugé que l’agent avait désobéi à un ordre hiérarchique. Le fait qu’il contestait la légitimité de sa nouvelle affectation ne le dispensait pas d’y obéir. L’ordre en question n’était ni illégal, ni contraire à l’intérêt du service, ce qui exclut tout droit à désobéissance.
Ce qu’il faut retenir : Tant que l’ordre n’est pas manifestement illégal, il doit être exécuté. Le refus d’obéissance peut donner lieu à une sanction disciplinaire, surtout s’il perturbe le fonctionnement du service.
Faits : Un agent a fait une chute pendant sa pause déjeuner, alors qu’il se rendait à une vingtaine de mètres de son lieu de travail, dans l’intention de manger son sandwich en dehors des espaces prévus. L’administration a considéré qu’il s’agissait d’un comportement fautif justifiant de ne pas reconnaître l’accident comme lié au service.
Moyens : Le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette analyse. Il a estimé que le fait de déjeuner dans un autre espace que celui prévu par l’administration ne constituait pas une faute personnelle suffisamment grave pour détacher l’accident du service. L’agent restait dans l’enceinte professionnelle et n’avait pas commis de comportement anormal.
Ce qu’il faut retenir : Lorsqu’un agent chute pendant sa pause déjeuner dans les locaux de l’établissement, l’accident peut être reconnu comme imputable au service, même s’il ne se trouvait pas dans un lieu spécifiquement dédié à la restauration.
Lien : Tribunal administatif de la Réunion 2301427 du 19/05/2025
De nombreux établissements sociaux et médico-sociaux, notamment les EHPAD, sont aujourd’hui en situation de non-conformité avec la réglementation relative au temps de travail des agents. Cela expose les employeurs à des contentieux, des observations de la chambre régionale des comptes, voire à des requalifications d’heures supplémentaires ou à des rappels de traitement.
Les principes juridiques applicables : La durée légale annuelle du travail effectif dans la fonction publique territoriale est fixée à 1 607 heures selon l’article L. 611-1 du Code général de la fonction publique.
Toute dérogation (forfait jours, sujétions particulières, temps de travail annualisé, modulation…) doit être encadrée par une délibération et respecter les garanties minimales.
Les erreurs fréquentes en EHPAD
- Certains agents sont en service plus de 10h/jour sans récupération ou temps de pause réglementaire.
- Les cycles de travail sont parfois non formalisés ou non votés en comité technique.
- Les temps de pause sont parfois inclus à tort dans le temps de travail effectif.
- Une absence récurrente de plannings prévisionnels écrits ou de suivi des heures supplémentaires est observée.
Recommandation :
- Mettre à jour les délibérations relatives à l’organisation du temps de travail : cycles, durée, horaires.
- Veiller au respect des temps de repos : 11h/jour et 35h consécutives/semaine.
- Élaborer des fiches de postes et des plannings compatibles avec la réglementation.
- Former les encadrants à la gestion du temps de travail et au respect du cadre légal.
Ce qu’il faut retenir : Les EHPAD sont soumis aux mêmes obligations que toute autre collectivité. La spécificité du service continu ne permet pas de déroger aux règles de fond. En cas de contrôle, l’absence de cadre clair expose la collectivité à des risques financiers et juridiques importants.
NUMERO 64 - Mai 2025
Faits : Un stagiaire affecté en école maternelle a violemment réagi à la demande d’un agent, formulée sans expression de politesse. Une altercation s’en est suivie entre les deux agents. L’administration a décidé de prononcer l’exclusion définitive du stagiaire, en raison de la gravité des faits.
Moyens : Le tribunal administratif a validé la décision de l’administration en estimant que l’absence de formule de politesse dans une consigne de travail ne saurait justifier une altercation physique ou verbale. L’attitude du stagiaire a ainsi été jugée disproportionnée, notamment compte tenu du lieu d’affectation, justifiant une sanction disciplinaire lourde.
Ce qu’il faut retenir : La violence verbale ou physique d’un agent ne peut être excusée par un manque de courtoisie de la part d’un collègue. Une telle réaction constitue une faute grave pouvant entraîner l’exclusion définitive, en particulier dans un environnement sensible comme une école.
Lien : TA Bordeaux 2304919 du 05.05.2025
Faits : Une agente publique, professeur souffrant d’une déficience visuelle sévère, a invoqué son droit de retrait en raison de l’absence d’aménagements de poste à son retour de congé maladie. L’administration a reconnu la nécessité d’un aménagement et a proposé plusieurs mesures (réduction de présence devant les élèves, matériel adapté, accompagnement humain). Toutefois, l’agente a refusé ces propositions et ne s’est pas présentée pour reprendre ses fonctions.
Moyens : Le Conseil d’État rappelle qu’un agent ne peut exercer valablement son droit de retrait que s’il a préalablement alerté son employeur d’une situation de danger grave et imminent. Lorsque des aménagements sont effectivement mis en place pour faire cesser ce danger, l’agent est tenu de reprendre ses fonctions. En l’espèce, le Conseil d’État estime que le refus persistant de l’agente de reprendre son poste malgré les mesures correctives proposées n’était pas justifié. Cependant, il reconnaît un retard fautif de l’administration dans la mise en œuvre des aménagements initiaux et enjoint à la collectivité d’envisager une indemnisation pour la période concernée.
Ce qu’il faut retenir : L’exercice du droit de retrait doit être fondé sur un danger grave et imminent avéré. Ce droit ne peut être maintenu lorsque l’administration met en place des aménagements adaptés. Un agent ne peut invoquer comme seul fondement le non-respect immédiat des préconisations médicales si des mesures ont été engagées en temps utile.
Lien : Conseil d'Etat, n°470052 du 21 mars 2025
Faits : Un agent a présenté une demande d’autorisation en vue d’exercer une activité accessoire. Afin de pouvoir en apprécier la compatibilité avec ses fonctions principales, l’administration l’a invité à fournir des éléments complémentaires, tels que le volume horaire envisagé, le planning prévisionnel ainsi que l’identité des employeurs concernés. Faute de transmission de ces informations, l’administration a rejeté la demande.
Moyens : Le tribunal administratif de Paris a confirmé la légalité du refus opposé par l’administration. Il a rappelé que l’administration est en droit d’exiger les éléments nécessaires pour apprécier la compatibilité entre l’activité accessoire sollicitée et les missions principales de l’agent, conformément au décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020. À défaut de transmission de ces informations, le refus d’autorisation est légalement fondé.
Ce qu’il faut retenir : Un agent doit fournir à l’administration tous les éléments permettant d’évaluer si son activité accessoire est compatible avec ses fonctions. À défaut, l’administration peut légalement refuser la demande de cumul, sans excéder ses prérogatives.
Lien : TA Paris 2310274 du 13.05.2025
Faits : Une candidate à un concours de la fonction publique a obtenu la note de 11/20, mais n’a pas été retenue. Elle a contesté les résultats au motif que tous les postes ouverts au concours n’avaient pas été pourvus, estimant que le jury aurait dû la déclarer admise compte tenu de la vacance persistante.
Moyens : Le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa requête, rappelant que le jury de concours dispose d’une marge d’appréciation. Il peut légalement choisir de ne pas pourvoir l’ensemble des postes ouverts si le niveau des candidats est jugé insuffisant. L’intérêt du service public prime sur la simple logique de remplissage des effectifs.
Ce qu’il faut retenir : En matière de concours, les jurys ne sont pas tenus de pourvoir tous les postes offerts. Ils peuvent légitimement restreindre le nombre de lauréats si le niveau de mérite requis n’est pas atteint, même si le nombre de candidats est suffisant.
Liens : TA d’Orléans n°2502284 du 14/05/2025
La question a été posée au Gouvernement de savoir s’il envisageait d’instituer une prime de départ à la retraite au bénéfice des agents de la fonction publique territoriale, à l’instar de certaines pratiques existantes dans le secteur privé.
Réponse : Le Gouvernement a précisé qu’aucun texte législatif/réglementaire ne prévoit à ce jour une indemnité de départ à la retraite dans la fonction publique.
Toutefois, les employeurs territoriaux conservent la faculté de valoriser l’engagement d’un agent approchant de la retraite par le biais du complément indemnitaire annuel (CIA), deuxième composante du RIFSEEP, en tenant compte de son investissement professionnel, de son expertise ou de sa contribution au service.
Lien : Réponse ministérielle n° 01222 du 22.05.2025, Sénat
Certaines collectivités territoriales ou établissements publics recrutent des lauréats de concours ou d’examens professionnels organisés par un centre de gestion (CDG), sans avoir conclu de convention avec ce dernier. Dans ce cas, elles sont tenues de rembourser les frais afférents à l’organisation du concours.
Le Gouvernement confirme qu’à défaut de paiement volontaire, une procédure de recouvrement est prévue : lettre de relance par le comptable public, puis si aucun retour, le comptable doit adresser à la collectivité une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception notamment pour interrompre le cours de la prescription quadriennale.
En cas d’échec, le comptable saisit par écrit l’ordonnateur de l’organisme public créancier pour l’informer de l’échec du recouvrement amiable et lui indiquer qu’il envisage, sauf opposition écrite de sa part, de demander, suivant le cas, soit à la chambre régionale des comptes, soit au représentant de l’État, la mise en œuvre de la procédure de l’inscription d’office (CGCT, article L. 1612-15) ou du mandatement d’office (CGCT, article L. 1612-16).
Lien : Réponse ministérielle n° 03271 du 22.05.2025, Sénat